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rentrée littéraire 2018 - Page 2

  • Concours pour le paradis de Clélia Renucci

    Concours pour le paradis

    de

    Clélia Renucci

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    "20 décembre 1577

    Benedetto alerta son frère aussitôt qu'il apprit la nouvelle. Véronèse, enroulé dans ses draps de lin, ouvrit un œil méfiant.

    -Le palais des Doges brûle? Comme tous les cinq ans! Pourquoi viens-tu me déranger pour si peu? Tiens, en parlant de feu, si tu pouvais ajouter quelques bûches dans la cheminée, je ne t'en voudrais pas..."

    En ce 20 décembre 1577, le palais des Doges est ravagé par un incroyable incendie qui détruit notamment le Paradis, l'immense toile qui ornait la salle du Grand Conseil.

    Dès 1578, une commission décide de commander un nouveau Paradis. Un concours est organisé entre le peintres vénitiens les plus célèbres. S'affrontent ainsi Véronèse, le Tintoret et Bassano. 

    Pendant quelques quatorze années, cette toile va occuper tout un pan de leur création. Création qui va susciter chez eux bien des joies et des drames.

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    Le Paradis

    Ce roman de Clélia Renucci, je l'avais repéré dès sa sortie. Aussi, j'ai été ravie quand j'ai pu le recevoir grâce aux Matchs de la Rentrée littéraire, une opération organisée par Rakuten.

    L'autrice nous plonge dans la Venise de la fin du 16ème siècle. Une Venise qui peine à garder sa suprématie militaire et maritime face aux Ottomans. Et qui subit la loi de l'Inquisition. Cependant, malgré ces menaces politiques et le poids de la religion, l'art occupe toujours une place de choix chez les gouvernants. En effet, suite à l'incendie de 1577, les Doges qui se succèdent entendent faire retrouver sa splendeur d'antan à la salle du Grand Conseil et font appel aux artistes de la Sérénissime les plus côtés.

    L'occasion pour le lecteur d'entrer dans l'intimité de ces maîtres. A la suite des membres de la Commission, nous pénétrons dans l'atelier de Véronèse, du Tintoret et de Bassano. Trois hommes aux caractères, aux existences et aux styles bien différents. Véronèse, c'est la flamboyance, l'exubérance, un sens de la vie chevillé au corps. Le Tintoret, le génie calme. Bassano, l'envie de se faire un nom, au point que tout échec pourrait lui être fatal. Tous les trois représentent autant de facettes de l'artiste. Et la possibilité, par conséquent, pour Clélia Renucci de nous faire comprendre tout ce qui est à l’œuvre dans le processus créatif. C'est passionnant de voir les coulisses, d'assister à l'émergence de leurs créations et de comprendre les relations qu'ils entretiennent avec leurs mécènes et les dirigeants. De même, j'ai été très intéressée par tous les procédés techniques: les choix de couleurs, les fabrications du vernis...

    Sans oublier les réflexions sur la toile elle-même. Car le Paradis occupe toutes les pensées, autant celles des peintres que celles des politiques, des familles et de nous lecteurs. Les rebondissements autour de ce tableau sont multiples: copies de croquis, choix abandonnés, esquisses remodelées, figures gommées ou retouchées. Au fil des pages, c'est comme si le Paradis prenait vie sous nos yeux ébahis. Au prix de nombreux efforts et de nombreux sacrifices. Au prix aussi du sang.

    Un des autres atouts de ce roman réside également dans la description de la Venise du 16ème siècle. Chapitre après chapitre, les canaux, les ponts et les rues nous livrent tous leurs secrets. J'ai particulièrement apprécié les scènes de carnaval. Et cette séquence de fête avec Véronèse et Marco, un des fils du Tintoret, qui bien imprudemment se lie avec le rival de son père.

    Les pages se tournent toutes seules, on remonte avec plaisir le temps et on en ressort avec une furieuse envie d'admirer des toiles de Véronèse, de Bassano et du Tintoret et bien entendu, de partir à Venise.

    Néanmoins, je dois avouer que j'ai été un peu moins convaincue par certains personnages. Notamment ceux de la fille du doge et de l'inconnue du couvent. Je comprends leur intérêt par rapport à la narration mais j'aurais préféré qu'elles soient un peu plus creusées.

    Bref, vous l'aurez compris: si vous aimez l'art et les romans autour de la création, Concours pour le paradis est fait pour vous! Plongez vous sans tarder dans cette fresque foisonnante!

    Un grand merci à Priceminister pour cet envoi.

    Albin Michel, 2018, 267 pages

     

     

     

     

     

  • La Tristesse des femmes en mousseline de Jean-Daniel Baltassat

    La Tristesse des femmes en mousseline

    de

    Jean-Daniel Baltassat

     

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    "Le 20 février 1945, dans le cœur de l'après-midi, le téléphone sonne au troisième étage de la rue de Villejust qui ne s'appelle pas encore la rue Paul-Valéry.

    A la seconde sonnerie, Valéry lève la tête. Grimaçant, il abandonne la contemplation de l'aquarelle de Berthe Morisot et des feuillets noircis d'une fine écriture. La sienne, mais si ancienne qu'elle lui est devenue étrangère."

    En ce mois de février 1945, Paul Valéry semble s'être enfermé dans son passé, loin des fracas de la guerre. Une exposition autour de Berthe Morisot et une conférence qu'il doit donner sur elle très prochainement ont ravivé les souvenirs qu'il garde de cette artiste. L'occasion pour lui d'évoquer leurs rencontres. L'occasion surtout de se replonger dans les extraits de son carnet qu'il a recopiés à sa mort en 1894.

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    Le Repos de Manet

    Cet ouvrage, je l'avais repéré dès sa sortie. Pour son titre mélancolique. Mais surtout pour son sujet. Depuis quelques années, je nourris une certaine fascination pour Berthe Morisot et j'essaie de parcourir les livres qui tentent de percer les secrets qui entourent son existence.

    Pour tenter d'approcher cette femme, Jean-Daniel Baltassat a eu recours à une structure narrative enchâssée. S'entremêlent ainsi plusieurs voix: celle du jeune Paul Valéry au moment de son introduction dans le cercle de Mallarmé et de sa rencontre avec Berthe; celle du Valéry au crépuscule de sa vie et celle de Berthe à différents âges de son existence. Ce choix aurait pu se révéler périlleux tant il est parfois difficile de donner la parole à des personnages différents et à des moments espacés. Toutefois, j'ai trouvé le pari réussi. Les émotions de chacun semblent toujours palpables et justes. De même, je n'ai eu aucune difficulté à les identifier.

    Dans la Tristesse des femmes en mousseline, se déploie tout un pan de l'histoire artistique et intellectuelle de la fin du dix-neuvième siècle. Au fil des pages, on croise Mallarmé, Monet, Degas, Manet, Morisot...et on découvre leurs interactions. Tous ces passages m'ont vivement intéressée.

    On sent également à quel point tous ces hommes étaient fascinés par Berthe. Tels des papillons attirés par une lumière noire et mélancolique. A la lecture des fragments de son journal, le lecteur ne peut que partager cette admiration sans bornes. Sous la plume réinventée de cette fameuse peintre,  palpitent des éclats de son cœur, dévoré par une quête éperdue vers la beauté, par son amour pour Manet et pour Julie, sa fille.

    "Il paraîtrait que nos cerveaux portent, dans les dessins de leurs circonvolutions, la marque, pour ainsi dire la gravure de nos existences. Je ne sais si cela est vrai, mais je ne serai pas étonnée que la forme de nos cœurs aussi, si on les posait sur une table, pût en dire long à qui aurait l’œil pour cela."

    De ses cours avec Corot à ses réflexions sur la tombe de son défunt époux, défilent ainsi des morceaux entiers de sa destinée. Sorte d'impressions de ses élans, de ses créations et de ses sentiments.

    A la question de la liaison éventuelle entre Manet et Morisot, question souvent évoquée mais jamais résolue de manière définitive, l'auteur propose sa propre vision. J'ai aimé sa façon de répondre notamment sous forme de tableaux interposés. Cette scène entre Mallarmé et Paul Valéry est très belle.

    Tout comme de nombreuses séquences qui restent en tête, une fois ce livre refermé. Jean-Daniel Baltassat démontre un vrai talent de conteur. J'ai été également très sensible à son style. Il n'est pas rare, au détour d'une phrase élégante, de dénicher une pépite sensible et palpitante.

    "La grande vérité de la vie est que rien de l'essentiel ne s'oublie. Rien de ce qui nous a, une fois pour toutes, pétri le cœur.  Ce qui a sombré, ce qui s'est effacé, ne valait pas d'être vécu. Mieux vaut toujours brûler la lettre d'amour et revivre les heures du souvenir. Le temps nettoie l'inutile mieux que nous-mêmes."

    Finalement, concernant ce livre, je ne mettrais qu'un seul bémol: la partie plus contemporaine. Certes, elle apporte un recul sur les événements qui nous sont rapportés et permet une sorte de distanciation qui donne encore plus de valeur à ce qui a résisté au temps écoulé. Mais elle est moins intéressante en termes de narration. En effet, les conversations entre Paul Valéry et Mathilde ne m'ont pas paru essentielles.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai été sous le charme de ce roman nostalgique, émouvant et qui constitue une belle manière d'approcher le mystère Morisot.

    Un grand merci à Adeline et aux éditions Calmann-Lévy pour cet envoi.

    Calmann-Lévy, 2018, 329 pages

     

     

  • Le Dernier bain de Gwenaële Robert

    Le Dernier bain

    de

    Gwenaële Robert

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     "Jeudi 11 juillet 1793

    Midi

    "Paris!" Les passagers de la diligence en provenance d’Évreux  ne sont pas fâchés d'être arrivés. Le trajet a été long et la chaleur est écrasante sous le toit de cuir bouilli. Tirés de leur somnolence par le cri du cocher, ils s'extirpent de la voiture en bâillant, récupèrent leurs malles et entrent, un à un, dans la fournaise des rues parisiennes. Seule une jeune fille demeure sur la chaussée, visiblement déconcertée par le tumulte de la ville."

    Cette jeune fille, c'est Charlotte Corday, tout droit débarquée de sa Normandie natale avec l'intention d'assassiner Marat. Mais elle n'est pas la seule à s'intéresser à l'Ami du peuple. Autour de la rue des Cordeliers, tournent aussi une jeune Anglaise, une lingère du Temple, un moine défroqué et un célèbre peintre. En trois jours, tous ces destins vont se frôler, se croiser parfois...Jusqu'à ce fameux 13 juillet et ce dernier bain.

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    La collection "Passe-murailles", développée par Robert Laffont, entend "revisiter les mondes immuables des classiques littéraires, entrer dans des tableaux qui s'animeraient soudain, débattre avec des philosophes disparus, s'égarer dans des films ou des séries que rien ne destinait à se rencontrer, ou bien simplement évoque l'influence de ces œuvres sur nos vies."

    Pour le Dernier bain, l'autrice s'est donc appuyée sur la Mort de Marat, le célèbre tableau de David, pour dérouler le fil de son intrigue. L'action débute le 11 juillet à midi avec l'arrivée de Charlotte Corday.  Cependant, elle ne se contente pas de suivre cette jeune femme. Elle s'attarde aussi sur d'autres protagonistes.

    J'ai apprécié ce parti pris. En effet, cette narration polyphonique enrichit le propos et l'éloigne complètement de l'éventuel piège du compte-rendu. Ici, chacun des personnages abordés nous donne à voir leur Marat. Même si leurs points de vue conjugués dessinent le même type de portrait, ils confèrent une sorte de relief au grand absent de ce roman.

    Au fil des pages, jamais le lecteur n'entend le célèbre révolutionnaire. On s'approche de lui, on subit la puanteur qu'il dégage mais jamais il ne se livre à nous. Comme s'il était déjà parti. Comme s'il se muait irrévocablement en nature morte, prête à être fixée pour l'immortalité par David.

    Chacun de nos "guides": la lingère, Charlotte Corday, David, le gardien du Temple, le moine défroqué, le perruquier, le cocher....nous permet de mieux comprendre à quoi ressemblait la vie en ce mois de juillet 1793. Comme autant de figurants d'une toile dont ils ne percevraient pas les enjeux. Même si ce choix m'a paru judicieux, je dois avouer que je ne me suis pas intéressée de la même manière à tous leurs destins. Le perruquier et le moine défroqué, même s'ils apportent un éclairage sociétal de la révolution, ne m'ont pas semblé forcément primordiaux.

    Selon moi, un des autres bémols réside dans l'identité des conteurs. Quasiment tous se révèlent des "adversaires" de Marat. J'aurais aimé qu'à la voix de David s'entremêlent celles d'autres révolutionnaires convaincus pour nous donner une vision encore plus aboutie et moins manichéenne de l'Ami du peuple.

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    Si certaines scènes de ce drame en trois jours sont plus des "scènes de transition", d'autres nous saisissent et nous empoignent. Je fais notamment référence à celle de la séparation de la Reine et de son fils au Temple ou à celle de la foule déchaînée dans la rue des Cordeliers après l'assassinat. Gwenaële Robert démontre alors son talent pour créer des tableaux vivants.

    Chapitre après chapitre, la tension monte. On s'attache à Charlotte Corday, qui nous est présentée comme exaltée et émouvante. Avec une sorte de dimension sacrificielle digne des héroïnes antiques. On peut ou non adhérer à cette description du personnage mais j'ai trouvé qu'elle cadrait bien avec l'ensemble de l'intrigue.

    L'autrice m'a parfois étonnée par certaines options narratives comme des recours à l'ellipse. Ces fondus au noir peuvent déstabiliser mais j'ai trouvé qu'ils donnaient finalement plus de poids aux séquences restées en lumière. Comme cette partie autour du tableau de David où nous avons l'impression de nous être glissés dans son atelier et d'assister à la genèse de cette toile archi-connue.

    Bref, vous l'aurez compris: j'ai trouvé cette lecture agréable, intéressante et vivante. J'ai même été bluffée par certaines scènes. En revanche, j'ai regretté la vision parfois un peu trop manichéenne et certains héros qui étiraient un peu trop l'histoire et l'éloignaient de son centre d'intérêt principal.

    Un grand merci à Filipa et aux éditions Robert Laffont pour cet envoi.

    Robert Laffont, 2018, 231 pages